Il y a un bon et un mauvais côté à chaque chose... | Givre ♥

Un jour beau, et charmant, même si le soleil n'était pas à son zénith. La rivière coulait avec la même puissance habituelle, peut-être même plus qu'à l'accoutumée. Une petite jument grise penchait la tête et se mettait à se désaltérer sur la rive, tandis qu'un étalon noir de jais se montrait...

Un léger sourire, imperceptible, se dessina sur les lèvres de l'étalon. Ce n'était pas un souvenir spécialement doux et pourtant, il lui faisait grand bien de se le rappeler. Il se remémorait à la perfection la façon dont il s'adressait avec grande politesse et patience à la jument encore étrangère, gardant son masque d'un étalon courtois. Il se souvenait tout aussi bien de lui avoir fait découvrir une partie de ses terres, l'y invitant comme une dame d'honneur, comme une reine. Pourtant, ce n'était qu'une solitaire ! Elle avait paru à l'étalon ténébreux comme un possible bon élément, cependant. Il avait joué son jeu.
Il l'avait accepté dans sa Harde, alors qu'elle était blessée et même plus, mourante. Un chef farouche et ambitieux tel que lui n'aurait pas accepté n'importe qui au sein du groupe qu'il menait, pourtant, il l'avait accepté, elle.
Et plus tard, son regard sombre ne s'était pas posé qu'une fois sur elle...

Le sourire que Black Thief avait affiché quelques instants disparut. Cette journée paraissait si lointaine et si proche à la fois ! Et c'était pourtant juste-là, à l'endroit où il se tenait campé, qu'ils s'étaient rencontrés. Il aimait tant cette jument unique qui aurait pu paraître banale à tant d'autres...
Son regard brun restait posé sur les flots incessants qui coulaient continuellement dans la rivière, mais il ne semblait pas les voir.
Une autre image s'insinua dans son esprit...

Une pouliche, haute sur de frêles membres, gambadait avec l'insouciance de tous les jeunes de son âge. Ses courts crins de couleur étrangement rouge ébouriffés par une bien douce brise, elle jouait au milieu des arbres de la forêt des chênes, dont les feuillages épais en cet été laissaient passer des rayons de soleil chaleureux qui éclairaient la douce robe de la pouliche...

Il secoua violemment la tête.

Pelage de Givre vit le sourire de son amant éclairer son visage et aussitôt disparaitre... Elle se demanda bien pourquoi. Non pas pourquoi il avait disparu, ça elle le savait comme s'ils étaient relier, mais pourquoi il était apparu...
Elle releva la tête, doucement pour le regarder dans les yeux, elle y voyait de la tristesse et une certaine incompréhension qui la hantait, elle aussi...
Un inévitable filet d'eau se forma, formant un lien entre sa bouche et l'eau qui ne dura pas, s'estompant assez vite.

- Ca va ? Demanda la jument à son amour, soucieuse.

Elle caressa sa joue, doucement.

Lentement, le regard foncé de l'étalon au pelage ténébreux se posa sur la jument grise. Oh, que ferait-il sans elle ? En ce moment, rien n'allait plus pour lui. Ses terres, celles sur lesquelles il avait grandi, celles que ses ancêtres préservaient depuis des générations, oui, ses terres, étaient menacées par un ennemi coriace, le plus difficile qu'il avait eu à affronter. Les siens, sa Harde, tous ces chevaux, qu'ils soient guerriers ou frêles poulains, ceux sur lesquels il devaient veiller, risquaient chaque jour, leur liberté, peut-être leur vie.
Et Shira... Shira était partie...
Il n'y avait plus que Givre avec laquelle il voulait passer ton temps, à présent. Mais il ne pouvait fuir ses responsabilités...

La douce caresse de son amante le fit clore un instant ses paupières, avant de les rouvrir. Doucement, il posa le bout de ses naseaux sur l'encolure de la jument.

« Si tu veux que je sois honnête... je pense que tu connais ma réponse... »

La jument baissa les yeux, oui, elle connaissait la réponse, mais elle n'avait pus retenir cette question presqu'anodine. Cette question que ce posait les amants pour se dire toute l'attention et l'amour qu'ils portaient à leur âme sœur.
Elle décida de ne pas insisté sur la grande absente de ses jours, ne voulant pas ouvrir une plaie trop grande que pour être refermée.
Chaque jour passant, les chances que la jeune pouliche rentre s'amoindrissait de façon fulgurante, laissant un vide grandissant dans le cœur de la Harde attendant une progéniture mais surtout dans le cœur des parents qui vivaient cette séparation et disparition comme une épreuve bien plus dur que toute celles qu'ils avaient déjà endurer et celle qu'ils avaient encore à endurer à l'avenir.
La jument grise caressa la tête de son amour, elle cachait assez bien sa tristesse mais elle ne pu cacher sa peine en voyant son amant ce déchirer ainsi...

Lui qui n'avait jamais réellement connu l'amour avant que Pelage de Givre n'entre dans sa vie avait un coeur qui saignait. Il avait toujours pensé que l'amour n'apportait que la souffrance, et la destruction. Mais il n'y a pas de haine sans amour, et s'il avait pensé qu'il ne connaitrait jamais que le premier, il avait fini par ressentir le deuxième. L'amour, qu'il soit pour sa compagne ou pour sa fille, lui avait toujours apporté du bonheur, et si ses sentiments ne changeaient pas à l'égard des autres, il avait appris à aimer aux côtés de ces deux juments là. Mais à présent, il souffrait parce qu'il aimait. Il souffrait parce qu'il perdait ce qu'il avait de plus cher. Il s'en voulait presque de l'aimer tant, cette frêle pouliche aux crins pourpres, et pourtant, elle était tout pour lui... jamais il ne pouvait l'abandonner...

Tu es faible. Tu te laisses t'abandonner et tu pleures comme un faible. Tu n'a jamais laissé la pitié ou l'amour changer tes actions, auparavant. Aujourd'hui, tu ne ressembles qu'à un faible.
Cette voix soufflait telle une tornade dans son esprit, balayant les pensées et déchirant les souvenirs. Il aurait voulu la faire taire. Il se sentait faible, mais il aimait toujours Shira...
Quoiqu'il arrive, il l'aimerait toujours... et elle devait revenir.

Il leva lentement les yeux et son regard se posa dans celui de Givre. Il n'avait pas encore cédé. Il se déchirait et chaque pas lui semblait plus lourd, plus vain... il était fatigué. Il voulait tout laisser tomber. Mais il ne s'était pas encore abandonné aux larmes et à la lâcheté.
Si Givre restait auprès de lui...
Alors il tiendrait.

La jument pressa sa tête sur l'encolure de son amour affectueusement, comme pour faire entrer de force tout son amour pour lui dans un corps déjà trop plein de sentiment. Elle voulait le décharger de ses peines, de ses craintes, de cette guerre, mais elle ne le pouvait pas dans l'immédiat, en tout cas pas pour tout...
Elle lui lécha la joue, comme au début de leur relation, quand ils étaient tout le temps ensemble, comme coller à la glu tellement ils étaient inséparables à long termes. On pouvait bien les séparer pendant une heure ou deux, mais ses deux là finissaient toujours par se retrouver et rester ensemble, comme des aimants qui attirent une boussole invisible qui les guidaient n'importe où ils allaient, n'importe où ils pouvaient être, à n'importe quelle distance, on avait l'impression qu'ils pouvaient se retrouver en un rien de temps.
Mais, depuis la naissance de Shira, les occupations et obligations s'étaient multipliées pour les deux parents vite débordés...
Elle l'aimait, et ça, de tout son être...
Elle en était sur, et aussi fort qu'elle espérait, elle savait qu'il valait mieux ne pas trop espérer et passer à autre chose...
Elle lécha l'autre joue de son amant, affectueuse et minutieuse dans ses gestes lents et doux, pleins de douceur jusque dans les moindres frémissements et mouvements de ses muscles tendres mais entrainer à une dure lois.
" Tu sais quoi ? " Lui demanda-t-elle, en chuchotant.

La douce chaleur de son amante lui fit du bien, le détendant et le faisant oublier, pour goûter le moment. Ils s'en sortiraient, ils vaincraient, parce qu'il le fallait.
Shira était partie, mais il avait toujours Givre, et elle, il ne la laisserait pas partir...
Il savait que ces derniers temps, ils ne se retrouvaient plus autant qu'avant. S'éloigner ainsi de la jument le blessait autant que s'il avait été touché physiquement. Elle lui manquait, encore plus depuis sa fille avait disparu, parce qu'elle était la dernière à laquelle il tienne de tout son cœur.
Il posa le bout de ses naseaux sur ceux de la jument grise, avec d'infinies douceur et tendresse dont personne ne l'aurait cru capable. D'une voix légèrement rauque, basse, mais claire, il répondit doucement :

« Non ? »

Givre s'écarta doucement de la chaleur envoutante de son compagnon. Elle le regarda passionnément, Combien de temps s'est écoulé depuis que nous nous étions pas retrouver ainsi ensemble seuls, ainsi ?
Elle ne le savait que trop bien : Trop longtemps...
Elle se délecta et se perdit dans les grands yeux sombres de son amour noir ébène.
Elle lui répondit d'une voie douce et claire, sur et certaine de son amour pur :
" Je t'aime... "

Givre profita de se moment. Le calme, le silence, la tendresse de son amour et les caresses de son amant. Elle ferma les yeux.
Seul le vent venait parfois troublé la quiétude en ébouriffant les crins des deux compagnons.
Elle ne dit rien, profitant pleinement que son compagnon n'est pas à faire pour une fois, ses derniers temps il avait beaucoup à géré en même temps et donc peu de temps pour elle.

La jument trottina jusqu'à l'étalon, enfuit sa tête dans le flan du grand noir en souriant. Que de plaisir, que de temps entre le précédent et le suivant... D'ailleurs, la guerre se rapprochait, bientôt, ils n'auraient peut-être que ça du temps pour être ensemble, mais plus sur cette terre...
C'est pour ça qu'il devait vaincre. Vaincre pour leurs Terre. Vaincre pour les Hardes. Vaincre pour Eux. Vaincre pour leur enfant, Shira.
Vaincre pour toutes ses raisons et bien plus encore.
- Je t'aimerais jusqu'au bout du monde et encore après ... murmura-t-elle en remontant l'encolure jusqu'à s'arrêter à l'oreille de Black Thief.

Pelage de Givre se frotta la tête dans les crins de celui qu'elle aimait, elle se rapprocha de son oreille pour lui murmurer un " Jamais" tels un écho rendu par la foret ambiante, comme un feu follet dans une foret de gaule où le petit monde se cache aux yeux de tous mais parle dans le cœur de ceux ci.
- Tu sais quoi encore ?
Elle lécha doucement la joue de Thief avant de continuer, sans attendre une réponse intriguée de ce dernier.
- Je veux que tu vives en moi.
Elle l'avait susurer à l'oreille de Black Thief du bout des lèvres, si doucement que l'on pouvait se demander si lui même avait entendu et si Givre avait bel et bien dit quelques choses.