Niara - La vie n'est pas telle que l'on la souhaite.

"Est-ce que j'ai jamais été aimée ? Voulue ? Souhaitée ? Je ne crois pas. J'ai toujours été rejetée, mal-aimée, détestée même. Mais qu'est ce que j'ai fait pour ça ? Rien ! Rien du tout, et je ne comprend pas. Je ne comprend tout simplement pas. Il paraît que je suis plutôt jolie, en plus. Ou du moins, celles qui me ressemblent, on les trouve très jolies. Pourtant, moi, on ne m'a jamais fait le moindre compliment. Pourquoi ? Pourquoi suis-je différente ? Qu'ai-je en moins que les autres ?"

"Ma mère venait d'un grand élevage d'Arabes. Prestigieux, paraît-il. Elle, c'était une des plus belles juments. Mon père, un des plus beaux étalons. Je pense que si Maman était restée là-bas, et que j'y étais née, j'aurais valu une fortune, mais ça, personne ne me l'a jamais dit, alors je ne peux pas le savoir.
Maman s'est enfuie, cependant. En début d'été, elle était pleine a cette époque. Je ne sais pas ce qui s'est passé, ensuite. C'est tout ce qu'elle a accepté de me dire sur son passé. Il faut dire qu'elle ne me parlait pas beaucoup, si ce n'était pas pour m'envoyer des paroles cinglantes. Quand je suis née, elle était déjà farouche et sanglante... sanglante ? Peut être un peu. Mais elle ne m'aimait pas. Elle vivait seule auparavant, dans la prairie, non loin de chez les hommes. Et quand je suis née, elle ne m'aimait déjà pas. Quand j'étais petite, elle me nourrissait, me protégeait et me tenait un minimum au chaud, comme toute mère. Mais rien de plus. Pas de gentilles léchouilles. Pas de petits câlins. Pas de rires échangés, pas de jeu avec moi. Elle ne m'aimait pas, elle avait hâte de se débarrasser de moi et je le savais. Pourquoi ?
Je n'ai jamais su.

Maman était puissante parmi les solitaires des environs. Ils... comment dire... "l'adulaient" ? Non. Ils la craignaient.
Ce qui fait qu'ils me détestaient tous. Tous les chevaux a des kilomètres a la ronde me détestaient. Il était extrêmement rare que je soit appelée par mon prénom. Je n'ai jamais eu d'amis, je n'ai reçu que des moqueries, des insultes, es méchancetés. Des coups, aussi. Maman n'hésitait pas a me battre quand je n'étais pas suffisamment sage a son goût. Du coup, tout le monde faisait pareil. J'en ai gardé de nombreuses cicatrices. J'ai souffert, personne ne m'a jamais aidée. Pour qu'on me laisse un minimum tranquille, il fallait que j'obéisse au doigt et a l'oeil, que je me taise, que je ne me plaigne jamais, que j'ai froid, faim ou mal. Et c'est ce que je me suis mise a faire. Ca ne suffisait pas. Car on a continué a être des plus mauvais avec moi.

Et puis elle m'a abandonnée. Quand j'ai eu six mois et que je n'ai plus eu besoin de son lait, elle m'a violemment chassée. Comme si j'étais une ennemie ayant enfreint le territoire. Pour elle, c'est ce que j'étais vraiment. Je n'étais pas sa fille pour elle, d'ailleurs je ne crois pas l'avoir été un jour. Pas vraiment.
Je suis partie. J'étais blessée, j'étais seule, j'étais malheureuse. J'ai marché, longtemps. Que je soit jolie, ou pas jolie, j'étais de toute façon toujours sale et mes blessures menaçaient de s'infecter. Sur mon passage, on e rejetait toujours. Personne n'éprouvait de compassion envers moi ? J'étais encore une jeune pouliche... et bien non. On a continuer a me rejeter et a me chasser violemment sans hésitation.
Un jour, j'ai trouvée une rivière. Je m'y suis baignée pour enlever cette boue, cette crasse et ce sang qui collaient a ma robe, espérant que si j'étais plus présentables, on m'accueillerait mieux. Figurez vous que non. C'est comme si la malchance me suivait partout car on en m'a pas plus aimée. Je pense que je dois être vraiment laide. On m'a dit que les gens se fient a l'apparence, et pourtant, même propre, ça ne changeait pas. Du coup, je dois être moche... je m'en fiche. Je n'ai même plus envie d'être belle. Les apparences sont futiles, elles ne servent a rien. Et moi, j'étais toujours plus malheureuse chaque jour.

J'ai erré, comme ça. Pendant près d'un an je n'ai pas rencontré de chevaux. A un an et demi, j'étais toujours dans un état déplorable. Les blessures de mon bannissement étaient guérites, elles avaient pris place en tant que cicatrices sur ma robe, au côté des autres. Mais je souffrait, je souffrais beaucoup. Intérieurement. Et je continuais d'avancer, pourquoi ? Je ne sais pas. C'est d'ailleurs là que je me suis arrêtée. Après un an et demi d'errance. Je ne vois plus l'intérêt de continuer. Tout cela ne m'amène nulle part.
Au milieu d'une forêt morte et sombre. Endroit déplorable, endroit triste, comme je suis maintenant. Moi, je n'ai plus d'espoir. Je suis plus que malheureuse. Je ne sais pas ou je suis. Je suis perdue. Je n'ai pas de chez moi. Toute ma vie j'ai souffert.
Je souffre encore."

Niara est une jeune jument, encore yearling. Elle est en réalité très très belle, mais elle ne le sait pas. Elle se pense laide, puisque tout le monde la rejette. Elle est d'une belle robe grise pommelée, encore moyennement foncée, et qui s'éclaircira avec le temps. Ses crins sont gris foncés et soyeux, avec quelques crins blancs et noirs qui s'y entremêlent. Sa tête est petite et fine, avec un fin museau camus, et sa queue encore plutôt courte est tenue haute, comme le fait tout Arabe. Ses yeux sont grands et expressifs, de couleur bruns foncés. Elle a un petit toupet qui lui donne un côté mignon. Ses jambes sont fines et longues, noires aux extrémités, et ses sabots gris. Elle aurait pu être la plus belle des juments. Vraiment. Mais sa robe est sale et comporte des cicatrices. Sa queue est portée moins haut qu'elle n'aurait du. Ses yeux bruns sont ternes et vitreux. Ses allures qui auraient pu êtres si légères et élégantes sont traînantes. Ses sabots abîmés par leur voyage incessant et désespéré. Mais elle est toujours belle. Même si elle l'est moins qu'elle n'aurait pu. Elle ne le sait pas. Lorsque sa vie sera un peu illuminée, peut être son malheur disparaîtra et son élégance innée fera surface ?

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Elle souffre. On ne peut pas en dire long sur son caractère, parce qu'elle souffre. Elle est refermée sur elle même, elle qui était très sociable, désespérant de trouver un ami, quelqu'un qui l'accepte, a abandonné depuis longtemps. Elle est très jeune, et pourtant elle est très mature. Elle n'a rien d'une jeune pouliche qui se fait des illusions. Elle est malheureuse, sa curiosité s'est envolée depuis très longtemps. Elle est trop refermée sur elle même pour décrire son apparence psychique.